A tous ceux qui s’acharnent pour faire de nous des incapables

Devant cette scène d’un père qui traite son fils de 4 ans de msattek et de bhim par ce qu’il a renversé du jus sur son petit pantalon, je me suis dis que pour ces mômes là, qui posent leurs petites fesses une fois par an sur une chaise en plastique blanc d’une terrasse de tunis centre, parce que le papa trop occupé à se saouler la gueule, à tromper sa femme, à l’engueuler, peut être même à la battre, parce qu’il est trop occupé aussi à crier derrière ses enfants et à les traiter de tous les noms, pour ces petits mômes l’avenir est déjà tout tracé, rater l’école, rater les cours de formation en menuiserie, rater ses premières amours… et je l’imagine 20 ans plus tard, quand il aura retrouvé cet homme qui, fut un temps, lui servait de père pas très modèle certes, quand il l’aura revu par hasard après des années d’absence sur un quai de gare, sale et froid, j’imagine ce qu’il pourrait lui dire :
20 ans c’est long quand même, mais franchement tu ne m’as pas manqué, tes coups ne m’ont surtout pas manqués, ni tes insultes d’ailleurs, ni la bouffe de ma mère, ni l’odeur de notre maison, ni les copains avec qui j’ai raté ma vie dans les petites ruelles de la cité… tu vois, tu t’es acharné à coups de poings et d’injures pour faire de moi un incapable, pourtant… ici je vis bien, j’ai dis bonjour à la tempête, je vis dans cette tempête et la tourmente, mais je vis bien, mes grands yeux jadis émerveillés de la vie sont ce soir cernés de noir, mais je vis bien, mes grands yeux, hier effrayés devant toi, te regardent aujourd’hui de haut, c’est vari j’ai rien fait de ma vie, mais je suis parti, moi, je suis parti la chercher ma vraie vie, je sui parti chercher de l’or, chercher des cœurs en or, je suis parti abandonné dans les bras d’une fée, qui m’a porté et transporté pas très loin de chez moi mais assez loin de tes coups et de tes insultes, assez loin pour ne plus avoir les yeux grands de peur mais grands d’avoir retrouvé le goût des choses et de pouvoir encore m’en émerveiller, j’ai pris perpète dans une gare à galères mais je suis debout parmi ces gens qui voyagent, qui partent loin, qui se séparent et se retrouvent, je vis à travers leurs récits, je vis par leurs émotions, les larmes des au revoir, les sourires des retrouvailles, je vis… je vis… mon cœur s’est remis à battre fort, aussi fort que lorsque je t’entendais claquer la porte de l’entrée… je ne fous rien de mes journées, je suis un vrai raté, mais loin des tes mains, de tes pieds, de ta ceinture, de tes poings… je vis et ça en vaut la peine… je vis… pourrais tu en dire au tant ?

Une belle journée


8H30, Nina arrive au boulot (pile poile) , comme chaque matin, elle passe son badge devant la porte du bureau, et comme chaque matin, par la magie de la technologie, la porte ouvre sa grande gueule (putain elle pourrait pas pour une fois la fermer celle la), Nina respire un bon coup, affiche un large sourire sur ses lèvres et … « Bonjour tout le monde », si personne ne répond (bein oui ça arrive) c pas grave, Nina avance vers les escaliers (Nina n’utilise pas l’ascenseur pour monter 1 ou 2 étages) en se disant « ils ne m’ont peut être pas vu, ou peut être pas entendu, c pas grave, je suis sûr que malgré tout ce sera une belle journée… je vais me coucher … une si belle journée qui s’achève… » mais celle-ci elle est loin d’être achevée, elle se dirige vers son bureau en fredonnant la chanson de Mylène Farmer « Bonjour chnouwa 7wélek » , « Bonjour chnouwa 7wélek », « Bonjour chnouwa 7wélek »…, il n’y a presque personne, il y a Si Msaddek le comptable toujours le nez dans son journal de bon matin, Khalti Rébh la femme de ménage, Mbarka l’autre femme de ménage, Héni l’informaticien, c’est à peu près tout le monde qu’il y a à cette heure ci, les autres affluent vers 8H40.
Enfin, Nina est devant son bureau, elle ouvre son casier, sort son lap top, ses papiers, tape son mot de passe, pause son beau cul (c qu’elle en a un … beau cul) sur son fauteuil bleu qui la torture depuis le temps qu’elle s’assied dessus et qu’il lui nique son pauvre dos… besmellah… let’s go girl…
Vers 9H00, Nina entend du bas des escaliers la voix aigue de sa collègue Feten « Bonjour labès », « Bonjour labès », « Bonjour labès », « Bonjour labès »… il y a plus de monde à cette heure ci et Nina se dit « mais putain comment elle fait pour être aussi agréable avec tout le monde de bon matin ??? elle doit avoir un truc un secret, moi j’arrive la tête dans le cul, j’arrive à peine à sourire et à sortir un mot et elle !!! », elle entre « Bonjour Nina labès » voix off « oui oui labès fou moi la paix ! g la tête à être labès ! de toute façon devant toit tout le monde paraît ne pas être labès » « labès merci et toi » « ça va il m’est arrivée un truc super, voilà… », voix off « mais pourquoi moi il m’arrive rien de super le week end, pourquoi pas pour une fois le lundi ça serait pas à moi de raconter LE TRUC SUPER ? Putain faut en plus que je lui donne mon avis, mais je n’en ai pas d’avis « wahou c génial », wahou je m’en bas les couilles, elle est gentille mais je n’ai peut être pas envie d’entendre cette histoire maintenant là tout de suite… oula je commence à chauffer… c’est une belle journée… je vais me coucher … une si belle journée qui s’achève… belle journée… mordre l’éternité à dents pleines… c’est … journée… putain ça marche pas ça marche pas… allè il est 9H15, je vais me mettre à travailler, comme ça elle me lâche… ça marche pas… « Dis Nina je te dérange ? » « Non, non pas du tout continue je t’écoute… et alors il a dit quoi ? » voix off « Putain, t’aurais pu lui dire OUI tu me casses les c… Nina calme toi, cette fille tu l’aimes bien, elle est super sympa, franchement tu pourrais faire un effort et l’écouter… voix off tu m’emmerdes » « … tu vois un peu ce que je veux dire Nina ou pas ? » « Absolument ! écoute t’as bien fait de… »
9H17, la boss pousse la porte du bureau « Nina, tu ne travailles toujours pas, tkarker comme dab »
C’est une belle journée… je vais me coucher … une si belle journée qui s’achève… belle journée… mordre l’éternité à dents pleines… c’est …